On ne se connaissait pas. Je me suis sentie à l’aise car il a été très respectueux de mon espace, même dans les moments très privés, je ne me rendais pas compte qu’il était là. Et je n’aurais pas pu le faire s’il n’avait pas eu cette merveilleuse attitude. Il est vraiment devenu un membre de la famille, et pourtant je ne le connais pas vraiment en tant qu’ami, je le connais en tant que réalisateur qui a fait partie de mon équipe durant une période pour documenter ma vie.

 
Durant le tournage, il était important que Gaga ne soit pas consciente de la présence de la caméra :

Le premier jour, je m’en rendais compte. Je lui demandais s’il était sûr de vouloir être là, c’est tellement ennuyeux. J’ai été consciente de sa présence pendant un moment mais il a très vite compris qui je suis. Avoir les caméras sur soi est difficile, alors pourquoi voudrais-je avoir en plus une caméra braquée sur moi à longueur de journée, tous les jours ? Artistiquement parlant, j’avais hâte de connaitre sa façon de voir ma vie.

 
Chris Moukarbel explique que Gaga était, et est toujours, très réticente à propos de ce documentaire. Il indique qu’à n’importe quel moment, elle pouvait lui demander d’arrêter de tourner, il y avait un accord tacite entre eux à ce sujet.

J’ai accepté de le faire à cause des réactions de mes amis et de ma famille, après qu’ils aient vu les premiers rushes. Ils m’ont dit que c’était magnifique. Ma meilleure amie, Bo, qui me suit sur la tournée, l’a vu et a adoré. Ma sœur a adoré. La vérité c’est que j’aime les belles expériences artistiques ; ce film n’est pas ma vision, c’est la vision de Chris. J’en fais partie car c’est ma vie et je lui ai dit quand il pouvait venir filmer. Je n’ai dit non que très peu de fois.

 
Le documentaire contient de beaux moments en famille, mais aussi des moments d’humanité très crue que Gaga n’a pas demandé à couper :

Si j’étais dans un état d’esprit où je n’avais pas envie d’avoir la caméra sur moi, ou que j’avais vraiment conscience de sa présence, alors là on arrêtait, c’était quand j’étais submergée et que j’avais besoin d’espace.

 
Le tournage a eu lieu durant une période très intéressante pour Gaga :

C’est une période géniale, très vraie. Ça fait presque exactement 10 ans que j’ai commencé, je faisais de la musique bien avant ça, alors c’est incroyable de pouvoir faire ça. Je suis tellement reconnaissante d’avoir des gens aussi talentueux dans ma vie, qui sont intéressés de dire la vérité sur celle que je suis.

 
Mais c’était une période aussi très éprouvante :

Ça ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de hauts extrêmes. Ma vie a totalement changé de la manière la plus magnifique qui soit. Mais cela a bien sûr inclus beaucoup de bas.

 
Moments en famille, histoire de l’album Joanne, visites dans les magasins, conversations sur l’industrie de la musique, personnes qui critiquent l’album… jalonnent le documentaire. Comment Gaga réagit-elle à ces critiques négatives :

C’est toujours personnel lorsqu’on montre quelque chose au monde, c’est votre création et vous voulez que les gens l’aiment, comme un cadeau que vous leur donnez. C’est toujours mon but lorsque je crée des choses. On veut toujours que les gens aiment ce qu’on fait. J’aime vraiment rendre les gens heureux grâce à ce que je fais. (…)
Il y aura toujours quelqu’un qui n’aimera pas ce que vous faites. Mon travail n’est pas d’essayer que vous m’aimiez tous. Mon travail est de créer des fantasmes, de la musique, des expériences, du théâtre et de l’art qui pourraient inspirer les gens. Mais la chose la plus importante pour moi et mon équipe a toujours été de répandre un message positif. C’est aussi pour ça que j’ai fait ce documentaire : il y a derrière un message positif en tant que femme, et je suis heureuse de le montrer, c’est important pour les artistes, pas uniquement pour moi. (…) Ce film n’est pas nécessairement une déclaration politique ou sociale sur ce qui se passe dans le monde en ce moment.

 
Chris Moukarbel explique que Gaga montre beaucoup d’humanité dans le documentaire, qu’elle n’a jamais pris pour acquis sa position, ce qui se ressent aussi bien dans sa musique que dans ses interviews, et que le film était une manière de consolider cette vision et de permettre aux gens d’avoir un accès à Gaga en tant que personne.
Il explique ensuite qu’elle est très consciente de son rôle et de la manière dont les jeunes femmes – particulièrement – la voient, elle connait son pouvoir et son influence, ce à quoi elle répond :

La chose la plus importante pour moi est que ce film, ou documentaire, n’est pas une publicité de moi-même qui montre à quel point moi ou ma carrière sommes parfaites, à quel point tout ce que je fais ou touche est parfait, car ce n’est tout simplement pas la vérité. La chose la plus importante est d’être authentique, Chris est authentique, les moments qu’il a filmés étaient tous authentiques.

 
Le journaliste aborde « le sujet Madonna », ce qui fait rire Gaga :

Je savais que c’était dedans, mais je ne sais pas à quoi cela va ressembler !

Chris Moukarbel indique qu’il n’était pas sûr de mettre cela dans le film, mais que pour lui, c’était une manière pour les gens de comprendre le genre de femme qu’est Gaga, c’est-à-dire mesurée et attentionnée ; « Les gens vont s’attarder sur ça car c’est croustillant, mais en fait ce n’est pas du tout le cas. C’est plus une question de moralité. »
 
Lady Gaga répond ensuite à quelques questions des journalistes présents :
 
Au sujet de Grace Jones et de l’influence et responsabilité des artistes à faire une différence dans le monde :

J’adore Grace Jones, je l’ai toujours adorée, c’est une amie, une bonne personne, une femme très forte. Je n’ai rien de négatif à dire sur elle. Concernant la responsabilité des artistes, je dirais tout d’abord que nous avons tous la responsabilité d’utiliser nos voix pour les choses positives. Je ne pense pas qu’il s’agisse uniquement de ma responsabilité, ni de celle des gens célèbres. Les réseaux sociaux permettent à tout le monde d’avoir un microphone et de parler. Tout le monde devrait utiliser cette voix pour le bien. Est-ce que je fais attention à ce que je dis car je sais que les gens m’écoutent, que j’ai beaucoup d’abonnés ? Bien sûr que oui. (…) Est-ce que je dois faire plus que de la musique ? Vous savez, la musique est très puissante, et j’oserais dire qu’elle est infiniment plus puissante qu’un tweet ou qu’un post Instagram avec un selfie accompagné d’une déclaration sur ce que je pense du monde. La musique a le pouvoir de guérir les gens par ses vibrations, c’est scientifique : lorsque de la musique sort des haut-parleurs, des choses se passent dans votre corps et votre esprit, ça n’a rien à voir avec ce qu’on ressent lorsqu’on lit sur Internet. Chacun devrait jouer son rôle. Pour nous les artistes, nous devons connaitre notre pouvoir et l’utiliser.

 
Concernant la lettre de fan que Gaga a lu durant le show de Toronto :

C’était un moment magnifique qui réchauffe le cœur. Je suis triste d’un côté de dire combien je reçois de lettres de ce genre, venant de gosses en souffrance, mais je suis aussi tellement reconnaissante d’avoir ce genre de relation avec eux, même sur scène lorsqu’il y a 15.000 ou 40.000 personnes qui regardent. La lettre de Danny était belle et très spéciale. Qu’est-ce que je dois lui dire ? Se battre dans une famille avec une addiction, une perte, une douleur, ou des problèmes de santé mentale, des troubles de l’anxiété, c’est quelque chose de sérieux. C’est très bien d’en parler, et je tiens à la remercier d’avoir partagé son histoire avec moi, et de m’avoir laissée la lire à tous ceux qui étaient présents, afin qu’ils puissent être inspirés par sa force. Cette lettre de Danny représente exactement la raison pour laquelle je fais tout ça, si je devais tout résumer en un moment ce serait celui que vous avez vu la nuit dernière.

 
Lady Gaga parle ensuite des douleurs chroniques qu’elle ressent et devient très émue à ce sujet :

C’est difficile. Mais c’est aussi libérateur.

Chris Moukarbel explique qu’il était incroyablement difficile de filmer ces moments : « C’était difficile d’un point de vue purement humain, d’être près de quelqu’un qui souffre comme ça, de savoir qu’on ne peut rien faire, qu’elle ne peut rien faire car clairement elle a tout essayé. Je me suis senti obligé de continuer à tourner, car elle voulait que je le fasse, elle voulait que ce soit inclus dans le film car elle est très consciente que d’autres gens souffrent de douleurs chroniques similaires et qu’ils ne savent pas quoi faire, elle-même n’en est pas sûre. C’est une réalité, même dans sa position : la douleur physique est incapacitante, et sa manière d’essayer de dépasser cela est impressionnante à voir. »
 
Ce projet est-il une catharsis pour Gaga ?

Oui, sachant ce qui était filmé, sachant que ce genre de moments seraient dans le documentaire – car il me l’avait dit. Une forte partie de moi pense que la douleur est un micro, ma douleur n’est pas bénéfique à moins que je ne la transforme en quelque chose de bien. J’espère que les gens souffrant de douleurs chroniques qui vont regarder sauront qu’ils ne sont pas seuls, j’espère qu’ils verront le message à la fin du film – je voulais qu’il soit là, pour que les gens puissent demander de l’aide en ce qui concerne la santé mentale, l’anxiété, les douleurs chroniques, la maladie mentale. C’est libérateur pour moi, car – je veux le dire car je veux que les gens qui souffrent m’entendent – il y a un degré de dépréciation personnelle et de honte qui va avec la douleur. Je veux que les gens qui regardent et qui pensent que je ne vis pas comme ça car ils me voient danser et chanter, je veux qu’ils sachent que je me bats comme eux et qu’on doit se serrer les coudes, que je n’ai pas à le cacher parce que j’ai peur que ce soit une faiblesse. C’est une partie de moi et je suis reconnaissante envers Chris de s’en soucier. La compassion est saisissante, c’est pour cela que je suis émue, c’est très touchant.

 
Quels sont les projets de Gaga pour l’année prochaine, les cinq prochaines années ?

Je vais me reposer. Je ne sais pas combien de temps, cela ne signifie pas que je ne créerai pas, cela ne signifie pas que je n’ai pas quelque chose sous le coude dont je ne parlerai pas aujourd’hui. J’ai hâte de pouvoir me poser et réfléchir, de ralentir pendant un moment pour guérir. C’est important.

Faire le Super Bowl cette année, c’était pour les fans, pour divertir le monde – la chose que je préfère est divertir les gens et les rendre heureux – mais c’était aussi pour moi. Je voulais m’approprier cela, tout ce pour quoi j’ai travaillé, en quoi j’ai cru, les messages que nous avons répandus ensemble, je voulais mettre ce trophée en haut de l’Everest et le faire pour moi-même. Le Super Bowl et ce film sont comme une protection de ma contribution ces 10 dernières années. Et c’est bon d’être là car je suis entourée par ces gens tellement merveilleux. (…) Je me sens validée de l’intérieur ; je ne pense pas qu’il soit sain de chercher la validation chez les autres, c’est beaucoup mieux de se concentrer sur l’intérieur de soi et de se valider soi-même. Je travaille dur et je suis fière du travail que je fais.

Traduction par Christelle @Gagavision.net