Merci infiniment. C’est dur de trouver les bons mots, j’ai quelques petites notes mais elles ne sont pas très bien écrites. En fait, j’imagine que tous les artistes écrivent les choses différemment, mais mes notes à moi sont particulièrement horribles : Je ne sais pas comment les gens avec qui je travaille arrivent à me relire et me comprendre, moi-même je n’y arrive pas.

Il y a 5 ans de cela, avant que je ne rencontre réellement Klaus et ne travaille avec lui, je présentais ma seconde collaboration avec Terrence Koh au MoMA. Je suis allée le voir, et je lui ai demandé : « Klaus, qu’en avez-vous pensé ? ». Il a répondu : « Ce n’est pas encore de l’art. » Je me suis dit : « Merde. » Je le croisais souvent en continuant mes différentes performances, et je lui demandais de venir, que ce soit pour une performance musicale ou une performance d’art avec un/e ami/e ; au fil des années, il a continué de venir me voir. Les collaborations sont devenues de plus en plus fréquentes, et j’ai commencé à le voir de plus en plus souvent, et un jour il m’a dit : « C’est bon, je te comprends. C’est bien. »
Je vois Klaus comme bien plus qu’un conservateur de musée. Mais ce mot, « soigner » [Ndlt : Un conservateur de musée se dit « curator » en anglais ; « cure » signifie « soigner ».], c’est exactement ce mot que je pourrais utiliser pour définir ce que l’art a fait pour moi. L’art m’a totalement soignée. Et à chaque instant de ma vie, j’ai grandi. J’ai appris beaucoup, et je suis devenue soit plus intelligente, soit plus idiote, ça arrive. Si l’art peut parfois rendre stupide ou fou, pour moi il a toujours été une sorte de couverture chaude sur laquelle compter, quelque chose qui, je le savais, serait toujours là pour moi ; le résultat annexe, la licorne, le fantasme qui a émergé de chaque épreuve à laquelle j’ai dû faire face, ou de chaque souffrance. Alors je suis là aujourd’hui pour vous remercier infiniment de cet honneur que vous me faites ce soir, je ne crois pas avoir reçu une seule récompense dans ma carrière qui soit plus importante pour moi que celle-ci.

Lorsque j’ai commencé, c’était très étrange, les gens me disaient : « Vas-tu être une artiste ? Vas-tu être une chanteuse ? » Alors je répondais : « Je suis une artiste, et une chanteuse. Je disais : « Je sais que je ne suis pas célèbre et je ne gagne pas d’argent, mais je le suis quand même. » Je ne savais pas ce que je deviendrais, mais j’ai toujours voulu être extrêmement courageuse, et j’ai toujours voulu être, pour l’univers, un rappel constant de ce à quoi ressemble la passion ; comment elle se voit, comment elle s’entend, et comment elle se ressent.

J’ai fait un photoshoot hier, un que j’ai dirigé, un projet sur lequel je travaille depuis un moment. Un de mes amis, tout à fait incroyable, a photographié des acteurs en pleine improvisation en direct. Nous avons décoré une maison pour la journée, ils se sont chacun créé un personnage, et nous les avons photographiés alors qu’ils jouaient de la façon la plus névrosée qui soit ; comme s’ils avaient quitté la planète Terre et s’étaient rendu compte que c’était beaucoup mieux ainsi. Et l’engagement dont ils ont tous fait preuve, et à quel point ils étaient inspirés, cela m’a rappelé pourquoi je suis là.

Je suis là ce soir car non seulement vous m’avez acceptée, mais vous avez accepté quelqu’un qui n’est pas Lady Gaga. Mon nom est Stefani Joanne Angelina Germanotta. Je suis Italo-Américaine. Je ne suis pas née star, comme ma mère pourrait vous le faire croire ! Au fil du temps, j’ai lu tant de livres, regardé tant de films, fait tant d’art, rencontré tant de sculpteurs, de producteurs, de poètes, de musiciens, d’artistes de rue… que j’ai inventé quelque chose de bien plus grand que celle que je n’aurais jamais pu être toute seule. Et c’est ce que je vois entre mes fans et ce que j’aimerais que l’on accomplisse ensemble.

Je vous prie, s’il vous plaît, de m’utiliser. Utilisez-moi, utilisez-moi pour votre propre art. Faites que le monde entier ne devienne qu’un, partageons tous nos processus créatifs et ne restons pas isolés. Pour cela, parlons du travail les uns des autres, et mettons les autres en valeur. L’art est éternel, il continue dans le futur et se transmet aux jeunes gens qui vous regardent tous. Par exemple, Mr Jeff Koons, mon ami. Lorsque tu as fait cette sculpture de moi, lorsque tu as créé cette pochette d’album, lorsque tu m’as offert un cadeau si pur et précieux, tu as aussi montré à tous les jeunes que, même s’ils n’avaient rien d’autre qu’une toile blanche, ils pourraient un jour créer quelque chose que le monde entier pourra admirer. C’est un cadeau que je veux que tous les jeunes reçoivent. C’est ce que j’espère laisser en héritage, que les gens se rappellent de moi comme la fille obsédée et légèrement agressive qui passait chaque jour à les bassiner sur l’art, d’une façon complètement pop. Mais tout ce que j’ai toujours voulu, plus que tout, était d’être prise au sérieux en tant que musicienne dans la sphère de la culture Pop, aussi bien que dans celle des Arts. Et ce soir, je n’en ai jamais été aussi proche.

Merci infiniment, et merci à Tony d’être un ami en toutes circonstances, de m’apprendre tellement de choses, et de partager ta grandeur avec nous tous. Merci Jeff, d’avoir montré à tous les gamins de ce monde ce que cela signifie d’être passionné. Et merci à ma famille pour mon éducation. Vous avez sacrifié tellement pour que ma sœur et moi puissions aller dans une bonne école, et ce soir j’ai l’opportunité d’honorer un groupe vraiment intéressant d’intellectuels que j’avais toujours voulu connaître et avec qui je rêvais de travailler, alors merci de m’avoir permis ceci, et merci aussi de m’avoir enseigné la religion. Merci à mon manager Bobby, Klaus, Marina Abramovic de m’avoir offert la meilleure cure de désintox de ma vie. « Mange l’art, ou il te mangera. » À ces personnes qui me rappellent pourquoi je suis là. Je suis si inspirée chaque jour, je préfèrerais être ici n’importe quel soir de la semaine plutôt qu’à quelque endroit que ce soit à Hollywood. Nous sommes à Cipriani ; c’est le vrai, vieux New York. Merci infiniment, je suis désolée d’avoir parlé si longtemps. C’est la meilleure chose qui me soit arrivée. Je porte un toast à une nouvelle ère de romantiques. Mettons-nous en valeur les uns les autres, et prenons soin de nos jeunes qui font face à la dépression et à l’anxiété. Ils se demandent chaque jour : « Pourquoi je me sens si malade ? », et la réponse est, car tu es destiné à créer. Alors aidons-les à créer.

Traduction : Nattie // Gagavision.net ©