02 Juin 2019

Interview Nicola Formichetti pour PAPER Magazine

L’ouverture du store Haus of Gaga Las Vegas au Park MGM, où Lady Gaga est en résidence jusqu’en novembre 2019, marque le retour d’une collaboration entre la star et celui qui fût son styliste durant les premières années de sa carrière, Nicola Formichetti.
L’exposition dont il est le co-conservateur permet aux fans et visiteurs de (re)découvrir une quarantaine de pièces et accessoires que la chanteuse a portés ces dix dernières années.

Avant l’ouverture au public le 31 mai, Nicola Formichetti s’est confié à PAPER Magazine sur la création de ce musée.

Lire l'interview (VF)

PAPER: La performance de Lady Gaga aux VMAs 2009 sur « Paparazzi » est celle qui a vraiment lancé sa carrière. C’est le moment où le monde a réalisé qu’elle n’était pas une pop star classique.
Nicola Formichetti:
C’est ce que nous avons ressenti aussi. Être avec elle à cette époque — c’est la première année où nous avons commencé à travailler ensemble, c’était incroyable de la voir sur scène avec les autres artistes [célèbres]. Cette performance était incroyable. Je me souviens que nous essayions de trouver comment faire sortir le sang car nous sommes des perfectionnistes, alors nous voulions que le sang sorte au moment parfait, et nous étions en train de prier en coulisses. [Rires] Mais tout était parfait.

Quelles conversations avez-vous eu avec elle concernant ce concept ? Car saigner et mourir sur scène est plutôt extrême.
[Rires] L’idée était que la célébrité la tuait, alors c’était très théâtral. Il se passait tellement de choses : la chorégraphie était incroyable, elle qui jouait du piano, très concentrée. Nous avons travaillé longuement sur la performance. Nous faisons beaucoup de recherches, nous étudions beaucoup. Il y a des aspects spontanés, mais nous planifions tout pour faire une performance parfaite. La seule chose qu’on ne voulait pas, c’était un problème mécanique. C’est la seule chose pour laquelle nous priions.
 
Les pop stars célèbres à l’époque ne prenaient pas la mode au sérieux. « Bad Romance, » par exemple, a fait sa première à un défilé Alexander McQueen, diffusé en direct sur SHOWStudio. C’est ce qui a rendu votre relation avec Gaga si spéciale.
Je viens du monde de la mode, alors pour moi, lorsque nous avons commencé à travailler ensemble, c’était normal de la couvrir de mode. C’était parfait, mais à l’époque peu de gens faisaient ça. Alors je pense que c’était très spécial au début, avec [Alexander] McQueen et Nick Knight. Elle embrassait totalement cette culture de la mode, et – d’une certaine manière – elle lui donnait vie. Elle a en quelque sorte lié la culture pop, la mode et la musique. Elle a ouvert la porte à d’autres artistes qui font la même chose aujourd’hui, parce qu’aujourd’hui, il faut travailler avec la mode. Tout va ensemble. Ça doit être à 360 [degrés]. Mais à l’époque, ça n’était pas comme ça. C’est nous qui avons lancé ça.
 
Lorsque vous travailliez avec Gaga, créiez-vous des looks pour qu’ils deviennent iconiques ? Ils ont tous eu un impact culturel incroyable.
Non, c’est elle qui les rendait iconique. Elle performe dans ses looks ; elle devient ce [personnage] pour les mettre à un autre niveau. Elle fait vraiment partie du processus créatif et, bien sûr, elle utilise son corps, son visage et son image. Mais elle est aussi en coulisses — elle crée et coupe des choses, pose des épingles à nourrice, essaie d’améliorer et renouveler les choses… Ensuite nous les rendons iconiques. [Rires]
 
L’ère Born This Way était emplie de tellement d’idées différentes, comme dans le clip de 14 minutes de “Marry the Night”. Quelle a été votre approche ?
Nous l’avons vu comme une histoire dans un magazine. A chaque plan il y a une tenue différente. Nous sommes vraiment allés à l’extrême. Cette époque était très importante — la mode, les photographes et les réalisateurs, de Nick Knight à Steven Klein et Inez & Vinoodh. Nous avons vraiment travaillé avec eux pour élever le tout. C’était comme un orgasme.
 
De tous les looks que vous avez créés ensemble, lequel a été le plus difficile ?
Eh bien, il y a un tapis rouge — on a qu’une opportunité, alors ça doit être parfait. Ça doit être à 360 [degrés]. Si vous êtes dehors, avec les cheveux il y aura du mouvement. La robe en viande était excitante car je suis venu avec un petit frigo et Franc [Fernandez] a confectionné la robe, qui était dans le petit frigo. La mère de Gaga a demandé : « Qu’est-ce qu’elle porte aujourd’hui ? » Et j’ai répondu : « C’est dans le frigo. » [Rires] Il y avait un message : nous sommes tous identiques, nous sommes tous faits de viande. C’était l’évolution d’une autre tenue que nous avions faite pour Vogue Hommes Japan : le bikini en viande, et nous voulions faire quelque chose un peu plus tapis rouge avec la même idée de départ. [Rires]
 
Les costumes du Monster Ball sont très abimés. On voit qu’elle les a portés presque jusqu’à la mort. Comment vous assurez-vous qu’ils résistent à tout ça ?
Je sais, nous essayons de les rendre le plus confortable possible. Mais elle est tellement attentive à ses fans, que tant que les costumes ont l’air bien, elle les portera. C’est pour ça que nous l’aimons, elle se donne à fond. Donc notre boulot est d’essayer de créer les looks avec le plus d’impact, mais aussi de les rendre confortables pour qu’elle performe avec. Mais parfois on n’obtient pas l’effet et le confort, alors elle dit « Ok c’est parti ! » Mais quand elle doit performer chaque soir dedans, parfois c’est très dur. Néanmoins, elle se donne à fond et j’adore ça.
 
Est-ce que toutes ces tenues proviennent d’archives ?
Oui, d’archives très sécurisées, à température contrôlée, et numérotées en Californie.
 
Il y a une équipe à temps complet ?
Bien sûr, nous respectons tellement la mode. Il y a aussi tous ses accessoires et les cadeaux de ses fans. Tout est gardé dans un endroit vraiment très beau.
 
Est-ce que Gaga travaille aussi intensément en coulisses que lorsqu’elle performe sur scène ?
Oui, elle est la même Gaga devant et derrière la scène. J’adore le fait qu’elle respecte vraiment les artistes et les couturiers. Elle est l’une des premières personnes à m’avoir encouragé à faire mes propres trucs. Elle est l’une des raisons pour lesquelles j’ai accepté [la direction artistique chez] Mugler. C’est très amusant de travailler ensemble. Lorsque j’ai arrêté de travailler avec elle, Brandon Maxwell a pris le relais et maintenant Brandon a son propre travail de créateur, et il y a tellement de gens qui viennent de l’équipe de Brandon. Nous sommes tous amis et nous nous parlons toujours, et je trouve que c’est super cool.
 
Qu’est-ce qui vous a rassemblé, vous et Gaga ?
J’ai adoré faire mon propre truc, et c’est toujours le cas. Le côté performance me manquait. Nous sommes toujours restés en contact, mais je pense que [Enigma], le show de Vegas, était le bon moment pour moi pour recommencer à collaborer ensemble, et maintenant c’est intense. [Rires]
 
En tant que co-conservateur, comment avez-vous choisi ce qui irait dans ce Musée Haus of Gaga ?
L’endroit sera en perpétuelle évolution. Nous voulons remplacer les choses, faire des changements. L’une des choses les plus amusantes est que nous avons collaboré avec des Little Monsters. C’était très spécial pour moi. Nous avons contacté tous les super fans, ses Little Monsters, pour comprendre ce qu’ils aimeraient voir. Quels looks étaient leurs préférés, et aussi pour contrôler des choses. [Rires]. Ils sont tellement pointilleux avec les dates — Oh non, elle ne portait pas ces chaussures ce jour-là — alors on vérifiait avec eux. Cet endroit est fait pour ses fans, alors je voulais collaborer avec eux.
 
En regardant ce musée aujourd’hui, où sont exposées des années de votre travail, comment vous sentez-vous ?
C’est très émouvant. Il y a tellement de souvenirs. C’est sa vie, ce sont nos vies. C’est presque comme un parfum — vous vous rappelez d’un moment grâce à une odeur. C’est très semblable. Vous regardez ça et vous vous dites, Wow, je me souviens ce que je faisais à ce moment-là. Pour Gaga, c’est difficile de choisir des tenues préférées car elle aime aller de l’avant. Elle dirait probablement que le t-shirt qu’elle porte [aujourd’hui] est son look préféré en cet instant.
 
Tout comme vous.
[Rires] Nous aimons ce qui va arriver. C’est intéressant de regarder en arrière, car nous ne le faisons jamais. Ce que nous ferions en temps normal, c’est probablement de prendre ses tenues et les styliser complètement différemment de ce qu’elles étaient à l’origine. Mais nous ne voulions pas faire ça avec cette expérience car nous voulons que les gens ressentent cette époque. Mais nous avons ajusté l’espace et l’avons rendu plus contemporain, il est plus moderne et en adéquation avec le show Enigma. C’est très digital. Je trouve que c’est une très belle fusion entre le passé et le futur.
 
Un musée est très symbolique.
Je sais, quand on commence à faire un musée c’est presque comme une fin de carrière. Mais celle de Gaga ne fait que commencer. Bien sûr, elle a commencé il y a 10 ans, mais il y a tellement de trucs fous et incroyables qui arrivent cette année et l’année prochaine. C’est étrange, mais c’est une sorte de joli timbre des 10 ans pour dire « Regardez ce que nous avons fait, merci » à ses fans. Mais ce n’est que le commencement, je pense. Le film [A Star Is Born] a complètement changé les choses. Elle continue de surprendre les gens.
 
Ressentez-vous la pression de vous dépasser continuellement ?
Nous ne ressentons pas ça, en fait. Nous croyons en notre instinct et nous sommes conscients de ce qui nous entoure — ce qui est cool et moderne et nouveau. Je pense que ça va. Nous avons plus d’un tour dans notre sac. [Rires]

Que pensez-vous des déclarations de Nicola Formichetti ?

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