07 Juin 2020

Interview : Lady Gaga avec Zane Lowe – Apple Music (MAJ 07/06)


Lady Gaga a aujourd’hui annoncé s’être confiée à Zane Lowe dans le cadre d’une interview pour Apple Music (Beats1). Diffusée demain (jeudi) à 19h heure française, l’interview nous emmènera (enfin) sur la planète Chromatica ! Découvrez d’ores et déjà [un extrait], la traduction de quelques unes de ses déclarations, et des photos d’elle durant l’interview :

Lire quelques déclarations de Gaga (FR)

Au sujet d’Ariana Grande et Rain On Me:

Elle a été formidable et je crois que peut-être qu’avant d’arriver, elle pensait que j’allais lui dire ‘vas-y, chante ça et merci d’être venue’. Mais à la place, je lui ai demandé de quoi elle avait besoin, comment elle voulait faire les choses.

 

Je lui ai dit : ‘tout ce à quoi tu penses en chantant, je veux que tu l’oublies. Et pendant que tu chantes, je vais danser devant toi.

 

C’est aussi une métaphore sur la quantité d’alcool que j’ingérais pour m’anesthésier. Je préférerais être sèche mais au moins je suis en vie, qu’il pleuve sur moi.

 

Lorsqu’elle est venue au studio, je pleurais, elle est venue vers moi et m’a dit : ‘Ça va aller, appelle-moi, voilà mon numéro.’ Elle a été très persévérante, elle a essayé tellement de fois de devenir mon amie. Mais j’avais vraiment honte, je ne voulais pas projeter ma négativité sur elle. Puis elle est venue me voir et m’a dit : ‘tu te caches,’ et je lui ai répondu ‘ouai, tu as raison, je me cache’, et c’est là que notre amitié a commencé à prospérer.

 
Au sujet de ‘Fun Tonight’ :

Cette chanson signifie beaucoup pour moi, et parle de toutes ces nuits où les gens que j’aime sont venus me voir et ont essayé de me faire sourire ou rire, mais je n’avais pas la capacité d’être heureuse.

 

Au sujet de ‘Free Woman’ :

J’essaie de faire des choses non-genrées, car je sais que c’est significatif, mais avec cette chanson en particulier, j’ai ressenti le besoin de mentionner mon genre, même si je suis totalement désespérée que les gens associent le genre ou l’identité sexuelle à la personnalité, comme lorsque quelqu’un dit ‘ta personnalité est masculine’, qu’est-ce que ça veut dire ? Donc avec cette chanson, j’ai ressenti le besoin que le titre soit ‘Free Woman’ car j’ai été agressée sexuellement par un producteur de musique.

 

I’m not nothing without a steady hand,
I’m not nothing unless I know I can,
I’m still something if I don’t got a man
I’m a free woman

 
Au sujet de ‘Babylon’ :

Pour cet album, nous avons fait ‘Babylon’, une chanson sur les rumeurs, qui ont dominées ma vie, qui m’ont donné l’impression d’être insignifiante et enchaînée. Désormais je porte des chaines, mais je les porte avec fierté. Je me sens libre.

 
Au sujet de l’album Chromatica :

Je refais un album dance, et ce dancefloor est à moi, je l’ai mérité. Et toutes ces épreuves que j’ai traversées, je n’ai plus à en ressentir la douleur. Elle peut juste faire partie de moi, et je peux continuer mon chemin.

Cet album est un marathon dance sans fin. J’ai hâte de danser avec les gens sur cette musique.

 
Au sujet de ‘Sine From Above’ :

Le son a créé des étoiles comme toi et moi avant l’amour, avant le silence. J’ai entendu un Signe et cela m’a guéri. J’ai entendu un Signe.

 
Divers :

J’adore Billie Eilish et je veux que tout le monde gagne. J’aime tous ces jeunes artistes. Ce n’est pas une compétition !

 

Je ne vais plus me définir comme une survivante, ou une victime d’agression sexuelle. Je suis une personne libre qui a traversé une merde dégueulasse.


MAJ (22/05) : Découvrez l’interview entière de Gaga pour Apple Music !


Voir le reste de l'interview
Partie 2/5 :

 
Partie 3/5 :

 
Partie 4/5 :

 
Partie 5/5 :


MAJ (07/06) : Découvrez notre traduction française de l’interview !

Interview Apple Music - LIRE LA TRADUCTION (FR)
▶︎ Le report de l’album pour le combat contre le COVID-19 :
Gaga explique qu’il était important pour elle de faire quelque chose de spécifique, de mener des actions positives concrètes. Si elle partage en général ses idées d’amour de façon abstraite, comme le fait Chromatica, « je voulais attendre un peu, faire quelque chose de spécifique puis, lorsque cela était plus approprié, revenir à de l’abstrait. »


▶︎ Le message de Chromatica :

Je pense vraiment que nous vivons dans un système très rudimentaire. Dans le clip de Stupid Love, les rouges et les bleus se battent, cela pourrait être un commentaire politique si vous voulez que ce le soit, mais c’est très divisé. C’est la façon dont je vois le monde : nous sommes divisés, et cela crée un environnement très tendu. Cela correspond à ma vision de Chromatica : ce n’est pas une dystopie, et ce n’est pas une utopie. C’est comment je comprends les choses, c’est ça Chromatica. J’espère que c’est un message que je peux transmettre aux gens.

Gaga ajoute qu’elle veut transmettre cette musique dans une optique de partage, un partage de ses propres expériences et ses propres douleurs, mais elle veut aussi partager les expériences et les douleurs du public, et danser avec eux pour leur montrer à quel point elle les aime.


▶︎ L’objectification dans l’industrie et le rôle de cet album :
Zane souligne qu’au début de sa carrière, Gaga semblait danser avec le public, mais il lui semble que cela fait déjà quelques années que Gaga ne danse plus « avec nous ». À cela, elle lui répond : « Je ne sais pas si je dansais, dans mon cerveau et dans mon cœur, dans mon esprit. Je pense que j’avais l’impression de tourner en rond dans ma vie. » Elle ajoute que, étant artiste pop et donc, par extension, une célébrité, elle essayait de retrouver son humanité.

Je pense que j’essayais de comprendre mon humanité dans un système comme l’industrie musicale qui nous traite comme des objets. Cette objectification me donne l’impression d’être un robot, alors j’ai commencé à agir comme un robot. Et en faisant ça, on commence à perdre de son humanité. En écrivant cet album, je me sentais très triste, puis j’écoutais l’enregistrement et je m’entendais avoir l’air si heureuse dans la chanson, je me disais : C’est complètement incongru, mais ça vient de moi, comment c’est arrivé ? Je ressentais une joie inconsciente. Et ce que j’ai appris sur le cerveau, c’est que si l’on vit avec un traumatisme ou d’autres problèmes de santé mentale comme les miens, lorsque l’on devient joyeux, notre inconscient se manifeste pour dire : « Non, arrête ce que tu fais ! Reviens à moi, je suis ta tristesse. La joie est dangereuse. »

Je comprends réellement quand les gens trouvent ridicules les célébrités se plaignant d’être reconnues dans les supermarchés. Mais je suis aussi juste une personne… Je pense que ce qu’il s’est passé avec cet album est que, à un niveau inconscient, je ressentais de la joie, mais consciemment, j’étais dans une lourde dépression à cause de cette objectification, ou du fait que je ne me sentais pas humaine. Mon corps a dit : « Arrête, tu fais erreur, si tu ne t’accroches pas, tu vas te faire du mal. » Car j’ai développé une peur du public, mais pas des gens car j’adore les gens… Cet album parle de la façon dont je retourne vers eux, comment je recrée un lien avec eux pour leur dire : « Regardez, je suis là, je suis une personne, je suis une artiste, je ne suis pas une célébrité ». Peu importe ce que c’est, ce truc de « célébrité », j’aimerais éradiquer son existence !

Zane souligne que ce schéma est habituel : Les artistes veulent l’attention, ils travaillent pour arriver à construire leur propre récit pour atteindre le succès, puis le public s’empare de ce récit pour leur dire : « C’est ce que tu voulais. » Gaga lui répond :

Oui, quand tu étais une petite fille et que tu savais jouer du piano et écrire des chansons, tu as décidé que tu allais partager ton talent avec le monde, et en échange nous pouvons te dire qui tu es…


▶︎ Sa santé mentale et 911 :
Une fois que le COVID-19 est apparu, Gaga n’avait plus envie de sortir l’album, puisqu’elle voulait se concentrer sur quelque chose qui, pour elle, était « infiniment plus important » que sa propre souffrance. Elle parle notamment du personnel soignant et de leur santé mentale largement impactée par cette crise, soulignant qu’ils auront aussi besoin d’aide et de soutien une fois la crise terminée.

Je veux dire que je n’estime pas être la seule humaine à souffrir dans ce monde, je pense même que j’ai une putain de chance. Je suis très reconnaissante pour ce que j’ai. Mais je veux aussi être honnête sur ce que je ressens. J’ai écrit une chanson sur cet album, 911, qui parle d’un antipsychotique que je prends. Je le prends car je ne peux pas toujours contrôler les choses que fait mon cerveau, je le sais et je dois prendre ces médicaments pour arrêter ce processus.


▶︎ Le début de l’album (Chromatica I et Alice) :
Gaga explique que le début de l’album (le premier acte) représente le début de son chemin vers la guérison, et espère qu’il inspirera les gens ayant besoin d’aide, à chercher la guérison dans la joie et dans la danse. C’est ce que Gaga relie à l’acceptation radicale.

L’album commence par cet arrangement grave que nous avons créé avec Morgan, on peut ressentir cette sorte de condamnation en suspens, c’est ce qu’il se passe lorsque je fais face à toutes les choses dont j’ai peur. Ensuite, dans Alice, je dis « Mon nom n’est pas Alice, mais je continuerai à chercher le Pays des Merveilles » : ça veut dire que je n’abandonnerai pas, je ne jetterai pas l’éponge. J’ai eu des conversations très sombres sur la vie avec Bloodpop en créant cet album. La première phrase de l’album est « Pouvez-vous me sortir de là vivante ? », je le pensais et je le pense toujours. Je parle à n’importe qui, ou à moi : est-ce que tu peux, est-ce que je peux me sortir de là vivante ? « Où est mon corps ? Je suis coincée dans mon esprit. » Quand je suis coincée dans cet état de réponse traumatique, je ne sens plus du tout mon corps, je suis complètement dans mon esprit. Ensuite je poursuis : « Je suis fatiguée de crier à pleins poumons, je suis dans le trou, je tombe, mon nom n’est pas Alice mais je vais continuer à chercher le Pays des Merveilles… » C’est cette expérience où je me dis : Je ne suis pas sure d’y arriver, mais je vais essayer. C’est là que l’album commence vraiment. L’arrangement de « Chromatica I » pose le décor pour une expérience plus cinématique transmettant mon monde, ma façon de comprendre les choses. Je trouve un sens aux choses en disant : J’ai des problèmes mentaux, je l’accepte, radicalement, et même si je me sens complètement déconnectée, je continuerai à chercher quelque chose que je n’ai pas, et peut-être que le plus important, c’est d’essayer.


▶︎ Concernant ARTPOP :
Zane remarque que cet album était un gros pas vers les clubs, presque un trop gros pas, et que les gens et les critiques n’ont pas compris. Il émet l’hypothèse que Chromatica y est lié, et représente pour elle un nouvel essai dans cette direction. Gaga admet alors qu’ARTPOP, pour ce qu’il était, est sorti trop tôt.

Je pense que la culture est plus prête maintenant qu’elle ne l’était à l’époque. ARTPOP était un album très rebelle, je n’adoptais aucun look fixe, je disais « Mon ARTPOP peut vouloir tout dire ». Lorsque, en tant qu’artiste, je lève la main et je déclare : Je n’adhèrerai à aucun comportement modèle visant à éviter de contrarier les gens, ils répondent : Va te faire foutre, je suis contrarié !

Gaga ajoute que Chromatica est un rappel de qui elle est, mais aussi de son amour « absolu » pour la musique électronique. Elle trouve fascinant qu’un ordinateur puisse produire des sons et de la musique qui soit si viscérale et pleine d’âme. Pendant la production de l’album, les divers producteurs avaient de réelles discussions et souhaitaient la meilleure production pour chaque chanson, et non pas forcément que leurs propres idées soient retenues, ce que Gaga a particulièrement apprécié en tant qu’auteur-compositrice.


▶︎ Comment Chromatica l’a aidée, « Sine From Above » et « Babylon » :
Gaga annonce qu’elle a arrêté de fumer (Nous la félicitons !). Elle raconte qu’elle passait beaucoup de temps dans sa véranda à enchaîner les cigarettes, et lorsque Bloodpop lui disait d’arrêter, elle était sur la défensive (« Tu ne comprends pas, tu ne sais pas ce que j’ai traversé ! »). Mais une fois l’album terminé, Gaga a arrêté :

C’était la chose la plus étrange et la plus belle qui puisse arriver, cette musique m’a vraiment guérie. C’est ce dont parle la chanson « Sine From Above » que j’ai écrite avec Elton John. Sine s’écrit S-I-N-E car il s’agit d’une onde de son, ce son venu du ciel est ce qui m’a guérie, pour pouvoir quitter cet album en chantant sur Babylon, une chanson qui parle de rumeurs ! Les rumeurs prenaient une énorme place dans ma vie, elles me faisaient me sentir si petite et emprisonnée. Je danse donc avec ces chaînes, je les ai toujours, je les porte en ce moment mais je les porte fièrement, je me sens libre après avoir traversé toutes ces épreuves.


▶︎ Concernant « Fun Tonight » :

« Fun Tonight », qui est au milieu de l’album, est une chanson très importante pour moi, quand je l’écoute j’ai les larmes aux yeux car je ne peux vous dire combien de nuits les gens qui m’aiment ont essayé de me faire sourire, de me faire rire, de me remonter le moral, et j’étais incapable d’être heureuse, ce n’était pas là. Mais j’écrivais ces chansons, puis je les réécoutais et je me disais : pourquoi c’est si joyeux ?


▶︎ À propos de Joanne :
Zane s’étonne de la profonde tristesse dont parle Gaga, car elle parlait à l’époque de Joanne comme d’un album lui permettant de trouver la paix et de retrouver d’où elle venait. Gaga lui répond :

[Joanne était] une belle expérience avec Mark Ronson (…) il détruisait constamment toutes les voix qui me disaient ce que je devrais être, et me défiait lorsque j’écrivais chaque parole, pour me dire : « Non, qu’est-ce que tu veux vraiment dire ? ». Quand j’ai fini Joanne, une fois en tournée, je me suis rendue compte de quelque chose… J’ai fait un album pour mon père. J’ai fait un album pour essayer de guérir le traumatisme de ma famille, car mon père a perdu sa sœur Joanne lorsqu’il avait 15 ans. C’était en fait un effort beau, mais aussi futile : on ne peut pas réparer quelque chose de cette façon, et j’ai dû apprendre cette leçon, mais ce fut une immense déception dans mon cœur, qui m’a menée à une dépression. Je me suis rendue compte que, peu importe ce que je fais, peu importe mon succès, peu importe combien de stades je peux remplir, je ne peux pas guérir mon père. Et c’est comme ça qu’on se retrouve dans la véranda à fumer…
Et ce sont des choses que, peu importe que je sois une célébrité, on s’en fout ! Combien de gens sur la planète essaient de guérir quelqu’un qu’ils aiment ? Combien de personnes essaient de comprendre qu’on ne peut pas réparer quelqu’un qui est brisé ? (…)
Je ne veux pas faire la pseudo-scientifique, mais il est probable que la façon dont je me comporte et comment je me sens aient un rapport avec ce qu’a traversé mon père. J’ai fait cet album, puis me suis rendue compte que je ne pouvais pas le guérir, donc j’ai abandonné en quelques sortes… Car je me suis dit : Si je ne peux pas le guérir, ça sert à quoi ?


▶︎ Ce qui l’a aidée à remonter la pente après cette dépression :

Le son. La musique. Être moi-même. Voir des petits aperçus de moi-même reprendre vie ici et là. D’une certaine façon, je dormais, je dormais en regardant la vie passer. Et j’étais en colère, tellement en colère. Mais ensuite, j’ai trouvé la gratitude : regarde ce que j’ai, regarde l’amour que j’ai autour de moi, les amis que j’ai et qui ont pris soin de moi… Bloodpop m’a écoutée parler pendant des heures lorsque je m’enfonçais dans une spirale de honte, juste pour que je puisse écrire une chanson. Cet amour m’a inculqué une gratitude qui a pris de l’ampleur avec le temps, et qui m’a transformée en battante : j’ai commencé à me pencher sur la réalité, sur mes problèmes de santé mentale… J’ai ces problèmes, mais je continue. J’ai continué à avancer, à avancer, à avancer, à danser, à écrire, et je n’ai pas arrêté. Et j’ai été honnête à chaque étape.

L’écriture des paroles et des mélodies pour cet album… Ca se faisait comme ça *claque des doigts*. C’est comme ça que j’écrivais avant, quand j’ai commencé, quelqu’un venait me voir puis j’écrivais tout ça sur un morceau de papier, je leur donnais, et voilà. Et là, c’est comme ça que cet album a été fait.

Elle ajoute que ses paroles préférées sur l’album sont celles du refrain de Sine From Above : « J’ai entendu une onde venue du ciel, puis le signal s’est brisé en deux, le son a créé des étoiles comme toi et moi. Avant qu’il n’y ait l’amour, il y avait le silence. J’ai entendu une onde, et ça a guéri mon cœur. »

C’est assez tard dans le processus d’enregistrement que cette chanson a été créée, que j’ai dit : maintenant, je vais rendre hommage à la chose qui m’a redonné vie : la musique. C’est vraiment ce qui m’a redonné vie, Zane.


▶︎ Sa volonté de guérir son père :
Elle explique que lorsqu’elle était petite et essayait de réconforter son père, elle lui jouait du piano, ce qui lui redonnait toujours le sourire.

Précisément, ce qui a fait de moi une artiste, c’est cette volonté de guérir mon père. C’est toujours présent en moi, mais maintenant c’est quelque chose de positif. Je sais que je ne peux pas le faire, mais je sais que la façon dont j’ai répondu à cette volonté, c’est ce qui a fait de moi celle que je suis. Et j’aime qui je suis, j’aime que ma façon de gérer la douleur de mon père soit d’écrire des chansons.


▶︎ A propos d’Ariana Grande :

Elle et moi avons tout de suite eu une connexion. Elle a été formidable et je crois que peut-être qu’avant d’arriver, elle pensait que j’allais lui dire ‘vas-y, chante ça et merci d’être venue’. Mais à la place, je lui ai demandé de quoi elle avait besoin, comment elle voulait faire les choses. Quand on travaillait sur la production de sa voix, Je lui ai dit : « tout ce à quoi tu penses en chantant, je veux que tu l’oublies. Et pendant que tu chantes, je vais danser devant toi. » Elle disait : « Oh mon dieu, je ne sais pas, je ne sais pas, je ne peux pas, Okay ! » J’ai dansé, elle a chanté, et elle a commencé à faire des choses différentes avec sa voix. C’était la joie de deux artistes se disant l’une à l’autre : Je te vois ! (…) Je mets toujours les artistes au défi quand je travaille avec eux, je leur dis de prendre des risques aussi gros que possible. C’était génial à voir. Pour le clip aussi, elle était tellement ouverte à l’idée d’essayer des choses qu’elle n’avait jamais faites, elle m’a fait confiance. C’était un processus magnifique. De plus, je n’avais pas de femme pour me guider et être mon mentor quand j’ai commencé, donc cela était magnifique de pouvoir être là pour elle, la prendre dans mes bras et lui dire : oublie tout ce qui t’emprisonne, toutes les attentes de la culture pop auxquelles tu penses devoir répondre, oublie-les et sois toi-même.

Cette femme a traversé des trucs vraiment durs, vraiment incroyablement durs et bouleversants, c’est clair, et sa capacité à avancer… Lorsqu’elle est venue au studio, je pleurais toujours, mais elle non. Elle est venue vers moi et m’a dit : ‘Ça va aller, appelle-moi, voilà mon numéro.’ Elle a été très persévérante, elle a essayé tellement de fois de devenir mon amie, mais j’avais vraiment honte, je ne voulais pas projeter ma négativité sur elle, sur une si belle personne qui était sur la voie de la guérison. Puis au bout d’un moment elle m’a dit mes 4 vérités, elle m’a dit : ‘tu te caches,’ et je lui ai répondu ‘ouais, tu as raison, je me cache’, et c’est là que notre amitié a commencé à prospérer.


▶︎ La signification de Rain On Me et l’alcool :

Dans la chanson, la pluie est une métaphore et désigne les larmes, mais c’est aussi une métaphore sur la quantité d’alcool que j’ingérais pour m’anesthésier. Je préférerais être sèche, ne pas boire, mais au moins je suis en vie, qu’il pleuve sur moi, je vais continuer à boire ! Cette chanson a beaucoup de niveaux de compréhension.

Elle explique que, si elle n’est pas encore totalement sobre, elle « a flirté avec l’idée de la sobriété » à travers tout l’enregistrement de l’album.

Une partie de mon processus de guérison a été de me dire : Bon, je peux m’en prendre à moi-même tous les jours pour ces problèmes d’alcool, ou je peux être heureuse d’être en vie, et de continuer d’avancer, et me sentir « assez bien ». Je me sens assez bien, ce n’est pas parfait, mais bon, je suis parfaitement imparfaite.

Elle ajoute que, si elle trouve injuste que les célébrités ne soient souvent pas autorisées à souffrir et à avoir des problèmes, elle pense cependant aussi à toutes ces personnes qui ne sont pas célèbres et qui souffrent chaque jour.


▶︎ A propos des réseaux sociaux :

Sur Internet et les réseaux sociaux, nous avons créé ces millions et milliards d’énigmes, des avatars de qui nous sommes, pour mieux nous accepter. Ca fait partie de ce qui nous aide à avoir confiance en nous. Mais ça se retourne contre nous, car on commence à ressentir de la honte. On ne peut pas être assez belle pour Instagram, on ne peut pas être assez mince, assez riche… Si on ne le fait pas pour l’impact, si on n’est pas célèbre parce qu’on essaie d’avoir une impact sur le monde, le retour de ce qu’on donne de nous est simplement un like, et un trou sans fin. Tu finis par te dire : « Oh, je compterai si j’ai plein de likes. » Non, ce n’est pas ça. Ce qui fait que tu comptes, ce sont tes valeurs, ton éthique, ton code moral, comment tu traites les gens, ton comportement. C’est ça qui fait de toi qui tu es, pas le nombre de personnes qui aiment ton post.


▶︎ La signification de la chanson « Free Woman » :

J’essaie de faire des choses non-genrés, car je sais que c’est significatif, mais avec cette chanson en particulier, j’ai ressenti le besoin de mentionner mon genre, même si je suis totalement désespérée quand les gens associent le genre ou l’identité sexuelle à la personnalité, comme lorsque quelqu’un dit ‘ta personnalité est masculine’, qu’est-ce que ça veut dire ?
Mais avec cette chanson, j’ai eu besoin que le titre soit ‘Free Woman’ car j’ai été agressée sexuellement par un producteur de musique, et ça a eu une conséquence sur ma vision de la vie, du monde, sur les compromis que j’ai du faire pour y arriver. Donc j’ai choisi d’en parler, quand j’ai enfin eu le courage de dire : Tu sais quoi ? « J’ai de l’importance même sans une main ferme / J’ai de l’importance si je sais que je le peux / Je suis quelque chose même si je n’ai pas d’homme / Je suis une femme libre ». Dans cette chanson je dis que je suis libre, non dans le sens de « Je suis une femme libre, regardez-moi, j’ai trouvé la gratitude et tout va bien », mais « Je ne me définirai plus seulement comme une survivante ou une victime d’agression sexuelle, je suis une personne, je suis libre, et j’ai subi des trucs de merde. »

Concernant la partie de la chanson où elle clame « C’est mon dancefloor pour lequel je me suis battue », Gaga commente :

Je refais un album dance, et ce dancefloor est à moi, je l’ai mérité. Et toutes ces épreuves que j’ai traversées, je n’ai plus à en ressentir la douleur. Elle peut juste faire partie de moi, et je peux continuer mon chemin.


▶︎ Où elle se trouve dans son processus de guérison et ce qu’elle souhaite transmettre au public :

Je ne trouve même pas les mots pour dire à quel point [cet album] a été thérapeutique pour moi. Je pourrais en pleurer, mais je me sens en fait beaucoup plus proche de la guérison maintenant. Ce sentiment d’être à un rire des pleurs, il n’est plus là. Quand j’ai commencé à parler de cet album, je pleurais entre chaque interview, mais maintenant je me dis : Eh bien, il se trouve que si tu crois en toi, parfois, tu es à la hauteur. C’est possible. J’adorerais que les gens qui écoutent cet album ressentent et entendent ça.

S’il existe même une minuscule étincelle en toi, qui est toujours allumée et vivante, qui te dit « Je vais bien. Rien d’autre ne va, mais ça, cette partie-là, ça va » : Attrape-la, attrape-la et ne la lâche pas. Peut-être que si tu l’attrapes, elle t’éclairera entièrement, comme tu pensais ne jamais pouvoir être éclairée. Elle te ramènera à la vie, si tu crois en toi. C’est très dur de toujours croire en toi, mais j’espère pouvoir montrer aux gens que si je l’ai fait, ils le peuvent aussi.


▶︎ (TW) Ses habitudes malsaines, notamment la scarification :

Je pense que je me suis pardonnée pour toutes les façons dont je me suis punie. J’ai été honnête sur le fait que je me scarifiais, ou ai eu des tendances masochistes, des habitudes malsaines, et des façons d’exprimer ma honte ou mon sentiment de ne pas être assez bien. Mais toutes ces alternatives ne sont pas efficaces, elles empirent les choses. Tu penses simplement mériter d’avoir mal, tu penses ne pas mériter de belles choses, ne pas mériter d’être heureux. J’ai des cicatrices sur mes poignets, c’est quelque chose qui m’embête depuis des années. Maintenant je ne lis plus les commentaires sur Internet, mais quand j’étais plus jeune je voyais les gens dire : « Ces cicatrices sur ses bras sont dégoutantes. », et ça rend les choses encore pire, car les gens ne comprennent pas pourquoi quelqu’un qui est triste voudrait se faire du mal. Pour moi, ça a beaucoup de sens, mais pour beaucoup de gens ça ne rime à rien. J’ai fini par me faire des promesses, comme « Tu ne feras plus ça, maintenant quand tu veux te blesser ou te jeter contre le mur et crier, dis-le à quelqu’un. » Je ne veux absolument pas rendre ça glamour, j’aimerais dire ça à tous ceux qui écoutent ou regardent, n’importe qui : Tu n’as pas besoin de te faire du mal pour être une superstar. Tu n’as pas à te faire du mal pour te sentir mieux, même si, en effet, tu penses que temporairement ça va atténuer la douleur de ton esprit, mais ça dure deux secondes. La chose la plus dure et la plus courageuse, c’est de le dire à quelqu’un et de demander de l’aide.


▶︎ Son humanité retrouvée :

Voilà quelques-unes des choses que j’ai traversées, mais j’ai arrêté, et j’ai fini par me pardonner. Je pense que j’ai réussi à me pardonner car j’ai décidé que j’étais humaine, et cela m’a beaucoup aidée, je me suis dit : « Oh, je fais cette chose incroyablement humaine, même si j’ai l’impression d’être une poupée en plastique. Je suis tellement putain d’humaine. »

Elle ajoute que c’est ce qu’elle voudrait que les gens ressentent en écoutant cet album :

Si tu écoutes cet album et que tu souffres, de n’importe quelle façon que ce soit, sache que cette souffrance est un signe de ton humanité, et tu n’es pas brisé(e). Tu es connecté(e) au monde entier, nous sommes un corps entier, une énorme entité. Et c’est une expérience humaine que tu traverses. Il y aura des parties de ta vie qui te paraîtront creuses, robotiques, sans importance… Et ce n’est pas grave, mais cette souffrance est un signe que tu es réel(le).


▶︎ Son destin en tant qu’artiste :

Je suis contente d’être de retour [sur le dancefloor], et maintenant je danse avec mon père, pas pour mon père. Tout est différent. Je ne performe pas pour guérir qui que ce soit, je vis mon destin, qui est de donner de moi-même au monde. Et je crois fermement que c’est ce pour quoi je suis faite.


▶︎ Elton John, et le manque de mentors femmes dans sa vie :
Gaga explique qu’Elton John a toujours été son mentor et l’a toujours défiée et encouragée à garder la tête hors de l’eau. Il est toujours là pour elle, et remarque toujours quand elle ne va pas bien, malgré le fait qu’elle se cache lorsqu’elle traverse des périodes difficiles. Elle souligne l’immense importance de la présence du chanteur dans sa vie. Cependant, elle n’a jamais eu de mentor femmes pour la guider au début de sa carrière.

J’ai toujours eu du mal avec les femmes plus âgées que moi, à part peut-être Celine Dion qui a été adorable et chaleureuse avec moi, et Carole King que j’ai rencontrée brièvement et qui s’est montrée très encourageante. Mais je n’ai jamais eu de mentor femme pour me dire : « Ca se passe comme ça », ça a toujours été difficile pour moi d’avoir quelqu’un qui me montrerait le chemin à prendre.


▶︎ La différence entre sa volonté avec Joanne et sa volonté avec Chromatica :
Elle explique que lorsque Elton John entendra l’album, il saura directement ce qu’il s’est passé chez elle, car il la connaît très bien.

[Elton] me connaît, il connaît la différence entre quand je dis « Donne-moi ce putain de chapeau rose et dis à tout le monde de se la fermer, je vais jouer de la guitare et chanter ‘Joanne’ » et quand je dis « Okay, comment je peux prendre quelque chose de très douloureux pour moi, trouver en cette chose ce qui est universellement humain, et aider quelqu’un d’autre ? Voyons ce que ça donne à l’oreille, à quoi ça ressemble ? » Littéralement, Zane, quand je crée des albums, je peux les entendre, je peux les voir. Les sons sont des couleurs, et les mots viennent tout seuls, ils arrivent dans mon cerveau, j’ouvre le portail, je parle au son, j’écoute, et je crée la musique ! Quand [Elton] écoutera l’album, il entendra ça et il entendra que j’ai fait un choix : celui de ne pas faire un album que pour moi, mais aussi pour le monde.


▶︎ Sa volonté d’être un mentor pour les jeunes artistes d’aujourd’hui :
Zane lui demande si, à cause de son propre manque de mentors féminines, elle souhaite garder un œil sur les nouvelles artistes de maintenant, comme Billie Eilish, les Blackpink ou Ariana Grande :

À 100% ! J’adore Billie Eilish, j’adore toutes ces jeunes artistes, je suis là pour vous, je vous aime, je ne suis pas compétition avec vous et je veux que tout le monde gagne. C’est ce que je ressens sur le monde en général, ma rébellion c’est d’être gentille, presque jusqu’à en agacer les gens.


▶︎ L’importance de la gentillesse, en particulier dans le contexte de pandémie :
Elle croit en la simplicité et l’efficacité de la gentillesse, qu’il s’agisse de petits mots sur son téléphone, ou sur un panneau dans la rue (elle fait ici référence à son panneau « You Are Essential »). Elle souligne l’importance d’aider les gens de manière générale, et surtout les gens étant le plus dans le besoin, ce qui explique son initiative d’organiser le concert « One World Together At Home ».

Chacun a ses problèmes [par rapport au COVID], mais il y a des gens qui n’avaient déjà rien, une qualité de vie que l’on ne peut même pas imaginer, et puis il y a eu le virus… Alors, qu’en est-il de ces gens ? C’est de là que naît la gratitude, et c’est ce qui peut pousser les gens à s’aider les uns les autres (…) Je suis née comme ça, c’est la personne que je suis, c’est ce que je ressens. Je veux aider à créer et à transformer la culture de façon à mettre la gentillesse en avant. C’est ma rébellion, c’est ce qui fait de moi une punk, j’en ai rien à foutre que les gens me trouvent saoulante de parler de bonnes actions. C’est la personne que je suis.


© Traduction par Gagavision.net


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10 commentaires on “Interview : Lady Gaga avec Zane Lowe – Apple Music (MAJ 07/06)”

      1. En parlant de ça, est-ce que, malgré le confinement, certains avaient reçu leurs tickets pour le stade de france ? Je n’ai rien reçu pour ma part mais je voudrais simplement vérifier que c’est bien normal

        1. Personnellement, j’avais bien reçu mon ticket, mais j’avais acheté ma place très tôt, avant le confinement. Ils avaient sans aucun doute déjà prévu que le concert n’aurait pas lieu en juillet et ont donc arrêté l’envoi des places, sans compter que les services postaux étaient fortement ralentis durant le confinement. Je pense qu’il est donc tout à fait normal que tu n’es rien reçu ;)

          1. J’avais acheté mes tickets le jour du lancement, le 13 mars, mais je vis en Belgique donc je ne sais pas si ça change quelque chose.

        2. J’avais commandé mon ticket lors des pré-ventes, mais je ne l’ai jamais reçu non plus. D’ailleurs, sur mon espace client, il a un statut « non édité ».
          Mais c’est vrai qu’il serait temps qu’on ait des infos sur le possible report ou l’annulation du concert. Je trouve ce silence vraiment bizarre.

        3. Salut ^^

          Alors moi ma place est resté bloqué pendant plus d’un mois à la poste mais je l’ai bien eu au final.

          Pour l’interview je pense pas l’écouter vu que c’est seulement sur Apple Music…

  1. Coucou :)
    L’interview sera disponible librement ou seulement pour les utilisateurs d’Apple Music? Sinon trop hâte j’adore les interviews de Gaga, surtout ceux sur son art!

    (Rain On Me dans quelques heures )

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